En plus d’être danseur, directeur artistique, chorégraphe et enseignant, Ford Mckeown Larose est le cofondateur de la Compagnie de Street Dance Forward Movements, établie en 2015 avec Anaïs Gachet. Élevé dans le quartier Saint-Michel par des parents natifs d’Haïti, c’est à l’adolescence que Larose, encouragé par son cousin, a commencé à se consacrer à la danse et à développer une fibre artistique qu’il entretenait depuis longtemps: «Je n’avais pas besoin d’argent pour danser, je pouvais le faire n’importe où, n’importe quand, n’importe comment. […] C’est vraiment une recherche de liberté et la danse m’a amené ça.» Avec une approche multidisciplinaire, le danseur tire ses inspirations de l’écriture, du cinéma, de l’histoire, du dessin, voire des sciences, sujet de ses études collégiales. Même si l’art n’était pas son domaine d’études, c’est à cette période qu’il reçut ses premiers contrats d’enseignement, repéré par une professeure qui a rapidement détecté son énergie contagieuse et son talent dans la discipline.
Dès ce premier contact avec la pédagogie qui s’est développé au cours des années, le désir de partager et de transmettre le fond socio-historique inhérent au street dance s’est cristallisé en lui. La conscience que la danse était plus qu’un mouvement, mais aussi un outil de préservation, est venue s’insérer dans sa démarche sous forme de questions: «Comment puis-je être le plus près des codes et de l’essence de cette danse-là? Comment puis-je te montrer d’où ça vient, de mon point de vue, tout en respectant les précurseurs»? De cette même manière, soucieux d’aller au-delà de la surface, Larose a commencé et continue d’effectuer des recherches en faisant des voyages, en assistant à des ateliers donnés par des experts ou en visionnant des documentaires. En tant qu’instructeur, l’offre est bidirectionnelle, les élèves l’inspirant à renouveler sa pratique en explorant le passé, la charge de l’histoire et la culture haïtienne. Néanmoins, le processus qui l’a mené à s’intéresser de plus en plus à ses racines est complexe. Après un voyage en France, entre autres, durant lequel un accident d’automobile l’a profondément marqué, Larose a remis en question son rapport au silence et sa relation au milieu religieux dans lequel il a grandi et, une fois de retour au Québec, a entamé un processus de création qui a donné lieu à une percutante première œuvre, Dieu 3.
Aujourd’hui, la danse, devenue un moyen d’introspection, lui permet non seulement de peaufiner chaque mouvement, de travailler les choses invisibles, les sensations et les micro-tensions, mais également d’atteindre une forme de transcendance, de développer des idées nouvelles. En décrivant l’œuvre idéale, il offre une vision éclatante: «Pour moi, la perfection, c’est d’être dans l’instant présent exactement comme tu devrais l’être, sans essayer de contrôler ce qui est hors de ton contrôle. Juste être. Aujourd’hui, je suis, avec tout ce qui a fait en sorte que je sois qui je suis. Je suis. J’aimerais pouvoir créer une pièce qui représente cela.»
Bien sûr, pour Ford Mckeown Larose, la danse est aussi une discipline qui rassemble et qui réunit des individus de toutes les générations, de tous les horizons: en organisant des street dance battles, des ateliers et des conférences, l’artiste est en échange constant avec les autres et contribue à bâtir des communautés solides à Montréal et ailleurs. Pour les années à venir, il continue l’enseignement tout en se dévouant énormément à la création, multipliant les résidences et les spectacles et suivant le courant qui l’emmène là où il le veut bien: «J’aime beaucoup l’inconnu. Je sais dans quelle direction je vais, mais je ne sais jamais où ça mène. […] C’est ça aussi qui est beau.»
Texte et entrevue: Angelina Guo